En un mot : Faut-il, et non °Faut’il; Y a-t-il, et non Y a-t’il… mais Va-t’en!

Reçu par courriel
Je lis de plus en plus : le chat mange-t’il la souris ? ou encore faut’il…. Ça ne me paraît pas très juste, j’avais appris Le chat mange-t-il la souris ? : des tirets partout et pas d’apostrophe. Avez-vous la réponse ?
Rappel des formes correctes courantes (on dira pourquoi après)
Avec trait(s) d’union.
- Faut–il …. ?
- Y a–t–il … ?
- Comment appelle–t–on… ?
- Le chat mange–t–il, miaule–t–il, dort–il ?
(Eh oui! c’est plus simple avec les verbes des 2e et 3e groupes.)
Mais en revanche avec apostrophe :
- Va-t‘en ! (dans t‘en)
Deux signes à ne pas confondre: l’apostrophe et le trait d’union

Le trait d’union
Le t de mange-t-il ? n’est pas l’élision du pronom te, mais un simple t euphonique pour éviter un hiatus entre le e de mange et le i de il. Le t euphonique est juste là pour faire tampon entre deux voyelles (mangE Il) qui donneraient un son désagréable (l’hiatus, justement, dont le h est muet).
Dans faut-il, c’est une inversion (il faut > faut-il ) qui est marquée par le trait d’union et non l’apostrophe. On retrouve cette inversion dans les phrases interrogatives :
- phrase déclarative (on va dire «basique») :
Il faut que Pierre range sa chambre maintenant.
(Dans la langue parlée, on aura le même dans l’interrogation: c’est le ton du début de la phrase qui permettra d’identifier, si j’ose dire, le point d’interrogation.) - phrase interrogative plus soutenue :
Est-ce qu’il faut que Pierre range sa chambre maintenant ? - phrase interrogative dans une langue surveillée, voire littéraire :
Faut-il que Pierre range sa chambre maintenant ?
On voit que c’est la phrase déclarative avec une inversion qui est marquée par le trait d’union. C’est d’ailleurs la même chose dans la phrase précédente où Est-ce est l’inversion de C’est, même si est-ce que est sans doute perçu aujourd’hui comme une formule figée.
La logique de l’inversion est la même pour y a-t-il qui est l’inversion interrogative de la déclaration il y a. Le t, qui n’est rajouté que pour faire joli (ou, du moins, moins laid) est raccroché aux deux mots qu’il sépare par un trait d’union de chaque côté.

L’apostrophe
L’apostrophe est un signe d’élision (une voyelle qui a sauté) : l’épicier (pour °le épicier). On peut la rencontrer dans les pronoms : il te regarde, mais il t’écoute ; il la mange, mais il l’avale. L’apostrophe permet d’éviter un hiatus (Il tE Écoute), mais par disparition de la première voyelle de la paire qui heurterait l’oreille: il TE écoute => il T’écoute. Et du coup elle «raccroche» les deux mots dont la prononciation devient groupée.
Il faut donc faire attention aux cas dans lesquels le t est bien le pronom te élidé.
Comparez ces phrases :
- Je m’en vais. (je vais… moi hors d’ici [en].)
- Il s’en va.
- Tu t’en vas.
Essayons de mettre ces phrases à l’impératif.
Aïe ! Impossible pour les phrases n° 1 et n° 2 ! On utilise le subjonctif et le pronom (mais les pronoms seront élidés) :
- Que je m’en aille !
- Qu’il s’en aille !
Mais, à la deuxième personne (du singulier et du pluriel), c’est possible :
- Va-t’ en !
Au pluriel, on aurait bien : Allez-vous-en ! CQFD
Vous n’est pas élidé : pas d’apostrophe !
Revenons sur ces deux formes. On voit clairement la transformation du pronom réfléchi entre une phrase déclarative et une phrase exclamative :
Phrase déclarative | Phrase exclamative |
Tu t’en vas. | Va-t’en ! |
Vous vous en allez. | Allez-vous-en ! |
Complément. — Après la publication de l’article, un gazouillis sur Twitter m’a interpellé: Va-t’en, mais pourquoi va-t-en guerre. Dans va-t-en guerre, le T est un T supposé éviter un hiatus. Grevisse et Goosse parlent de «T analogique» car, en l’occurrence, la formule est tirée de la chanson populaire Malbrough s’en va–t–en guerre, d’où on a tiré un va-t-en guerre pour désigner un personnage batailleur, belliqueux. Ce T correspond, dans la langue populaire ou relâchée, à une liaison qu’un Bérurier qualifierait de mal-t-à propos, ce qu’on nomme un cuir (quand le Z est de service à la place du T, on appelle ça un velours : voir le Wiktionnaire en cherchant le § 6). Cuir et velours sont des pataquès. Je vous laisse le plaisir d’en savoir plus en suivant ce lien! |
Liens pour aller plus loin
- Banque de dépannage linguistique (Québec) : «Trait d’union et éléments grammaticaux»;
- Grammaire du Robert : «Emplois grammaticaux du trait d’union»;
- Grammaire Reverso : «Trait d’union syntaxique».